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le musée du quai branly “apprend” aux enfants que certains esclaves avaient une vie “agréable” et que les discriminations raciales aux etats-unis se sont terminées en 1964

October 4, 2016

Un livret pour enfants du Musée du Quai Branly commence avec plusieurs paragraphes douteux affirmant que certains esclaves avaient des vies “agréables” et que le Civil Rights Act de 1964 a marqué “la fin de la discrimination raciale” aux Etats-Unis. Certains invités du vernissage outrés parlent de révisionnisme. 

La grande institution parisienne Musée du Quai Branly vient d’inaugurer ‘The Color Line’, une exposition très ambitieuse sur l’Histoire des Afro-Américains. Bien que certaines parties du projet puissent paraître trop “timides” et peu menaçantes compte tenu de la gravité des sujets qu’elles abordent, on ne peut nier le travail considérable du commissaire d’exposition et de son équipe. Des artistes Afro-Americains notables sont inclus, tels que Archibald John Motley, Junior et des artistes plus jeunes comme Hank Willis Thomas, Mickalene Thomas et Ellen Gallagher. L’exposition comprend également de nombreux documents d’archives au sujet de l’esclavage, de la ségrégation, de certaines parties du mouvement des droits civiques, et bien plus.

Cependant, l’élément le plus douteux du projet semble être un livret pédagogique destiné aux enfants, distribué gratuitement à l’événement. Dès les premiers paragraphes, il est question des vies “agréables” de certains esclaves. L’introduction du livret affirme également que le Civil Rights Act de 1964 marque “la fin de la discrimination raciale” aux Etats-Unis (!), ignorant de facto le racisme institutionnel qui sévit toujours aux Etats-Unis. 

Le texte fait également appel à un vieil argument selon lequel les esclaves “avaient été vendus par des Africains à des Européens”. Nous savons aujourd’hui qu’un tel argument est anachronique et simpliste: à l’époque il n’était pas question “d’Africains” en Afrique ou de “noirs”, et encore moins de “noirs vendant d’autres noirs”. Ces constructions de langage européennes ne s’appliquaient pas en Afrique durant la traite et ceux qui ont vendu des esclaves aux Européens ne se voyaient pas comme “vendant leurs frères et soeurs noirs”.

Ces précisions sont importantes car les affirmations douteuses contenues dans le livret du Musée du Quai Branly font écho à des arguments communément utilisés pour nuancer la responsabilité des Européens dans la traite des esclaves, et pour minimiser les horreurs de l’esclavage, de la ségrégation et du racisme institutionnel. Certains invités du vernissage de l’exposition considèrent qu’il est irresponsable d’enseigner de telles affirmations à des enfants, à plus forte raison dans le cadre d’un projet qui prétend mettre en lumière les combats des Afro-Américains.

Nous avons contacté le Musée du Quai Branly à ce sujet mais n’avons pas encore reçu de réponse.

– Lou Constant-Desportes, AFROPUNK Editor-in-Chief

UPDATE – La directrice de communication du Musée du Quai Branly nous adresse une réponse:
“Le livret, à destination des jeunes visiteurs, de l’exposition « The Color Line, Les artistes africains-américains et la ségrégation » a été réalisé gracieusement, sur leur proposition, par les éditions Fleurus, éditeur spécialiste du secteur jeunesse et pédagogie.
Compte tenu des délais très serrés d’impression, tout aussi bien du côté de l’éditeur que du musée et du commissariat scientifique de l’exposition, la relecture des textes n’a visiblement pas donné lieu, en plein mois d’août, à suffisamment de vigilance. De fait, des phrases maladroites et non complètes, et pouvant prêter à malentendu ou interprétation malheureuse, sont restées en l’état, sans les corrections nécessaires avant l’impression, et font hélas partie de la version 1 du livret. Ce livret n’a été diffusé malencontreusement qu’à quelques dizaines d’exemplaires lors du vernissage.
Je souhaite porter à votre connaissance le fait que l’exposition ayant ouvert ce matin, aucun livret n’a été distribué au grand public. L’ensemble des livrets sont en cours de destruction.
Une nouvelle version corrigée du livret jeunesse fait l’objet actuellement d’une réimpression.”

UPDATE – La réponse d’Isabelle Boni-Claverie, Rokhaya Diallo et Lou Constant-Desportes au message du Musée du Quai Branly est publiée ICI.

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